Le 03 mai 2016
« Qui tient la mer commande à l’île du monde, qui contrôle l’île du monde commande au monde » - Internet est le nouvel océan
Dans mon post précédent, je proposais une nouvelle grille de lecture de l’environnement s’appuyant sur d’une part la géopolitique de la mer, le Galion, et d’autre part sur la notion de ressource mobile. L’accès et le contrôle de cette ressource devenant le nouvel enjeu… Je vous propose ici une lecture toute personnelle de l’histoire IT pour illustrer ce basculement de logique.
En 1980, IBM signe un partenariat avec Microsoft pour un OS pilotant son matériel. Sur ce marché en devenir des PC, Microsoft voit s’ouvrir un boulevard, une autoroute, lui promettant des décennies de confortables revenus et une quasi hégémonie qui lui vaudra quelques procès antitrust dans les années 90.
Certaine de sa position dominante, de la qualité de ses serveurs et de son hardware, IBM ne vit pas que, ce faisant elle offrait les clefs de son système à une tierce compagnie.
Pour ce champion IT de l’époque, la forteresse offerte par ses serveurs et ses gros systèmes suffisait au contrôle de son « territoire », mais c’est bel et bien l’accès et l’installation de MS-DOS puis Windows sur les « personal computers » qui offrit le succès à Microsoft et sortit IBM du marché grand public en quelques années.
IBM tenta bien d’y revenir quelques années plus tard avec OS/2 mais sans succès avant de s’ouvrir vers le monde Linux (tout comme Apple).
Cette histoire est emblématique du basculement du monde vers la logique de la ressource mobile. Nous y trouvons tous les ingrédients : un acteur bien établi, un non challenger auquel on confie une part jugée non-stratégique de son activité et une erreur de vision sur un marché en devenir : l’illusion de la forteresse. Nous développerons ce point plus précisément dans un prochain article.
Il faut également noter la transformation remarquable d’IBM qui d’une posture de « Forteresse » entrepris une longue (et douloureuse) mutation vers le service global l’amenant à une image de contributeur important et innovant du monde open source et une redéfinition de sa valeur mieux centrée sur le service, activité au combien mobile.
Poursuivons…
Au milieu des années 1990, c’est la guerre des navigateurs, l’époque de Netscape vs internet explorer. Sur ce fond de guerre de tranchées au milieu d’un territoire marqué par la position ultra-dominante de Microsoft, d’autres sociétés se développent avec une stratégie bâtie sur l’accès à la donnée, les moteurs de recherches.
Deux émergeront, Yahoo et Google. Yahoo se perdra en chemin, choisissant de bâtir une forteresse « portail web 1.0 ».
Google poussera sa stratégie au bout de sa vision avec une efficacité à trouver et à accéder à la donnée, mais également une collection de services sécurisant sa route des données comme en son temps l’Angleterre et sa fameuse route des épices : le mail, les services bureautiques en ligne et évidemment Android.
C’est la deuxième leçon, quel intérêt à aller sur un environnement ultra concurrentiel là où existe un « océan bleu ».
Dans cette logique formalisée par W. Chan Kim et Renée Mauborgne, la valeur et la croissance que va pouvoir créer une entreprise seront d’autant plus forte qu’elle se positionnera dans un espace non contesté plutôt que d’aller vers l’affrontement sur un marché déjà existant.
Cette vision stratégique est-elle compatible avec la perception d’une société ancrée dans une stature de forteresse ? Sans doute que non.
Si les grandes manœuvres entre géants et petits poucets de l’électroniques étaient restées jusqu’alors cantonnées dans l’univers numérique, l’application de la logique du Galion et la recherche de nouvelles sources de richesses en dehors des sentiers traditionnels (la « ressource mobile ») vont remodeler notre paysage industriel…
D’abord avec les ‘vieilles’ GAFA puis ensuite avec les ‘jeunes’ TUNA dans un mouvement de derviche tourneur de plus en plus vif.
Attardons-nous sur quelques-unes d’entre-elles. De Google, nous en avons déjà parlé mais on ne peut évidemment passer sous silence sa division mobile et son système Android sans parler de ces futurs projets : voitures autonomes, ia, médecine...
Et Apple dans tout cela ? Elle est pour moi une Forteresse. Il suffit pour s’en convaincre de regarder son écosystème fermé (très bon au demeurant mais indubitablement verrouillé). Malgré cela, son fort degré d’innovation lui assure une jolie place au soleil. L’innovation comme moyen de prolonger une stratégie basée sur la position mais quid lorsque la machine s'enraye ? Qu'elle cesse et le spectre des années 90 sera de retour.
Innover c’est bien, encore faut-il comprendre et appréhender la découverte. Le cas Kodak est emblématique : inventeur de l’appareil photo numérique et réduit en cendres pour ne pas avoir saisi l’ampleur de l’océan tout juste découverte : L’illusion de la forteresse …
Et vous, où vous situez-vous ?
Et si nous devions nous risquer à projeter une prévision dans les années à venir, Il ne serait pas surprenant que les prochaines licornes se situent sur les niveaux suivants :
Finalement, qu’est-ce que la transformation digitale sinon le moyen de passer d’une posture fixe à un monde en mouvement, de venir étayer et soutenir une vision stratégique d’entreprise très proche de celle de l’océan bleu. Les trois articulations mobile, social et temps réel de la digitalisation se prêtent admirablement bien à la géopolitique de la mer et réciproquement.
Cessez de penser en termes de position et de protection, envisagez votre activité sur les axes du mouvement et de l’innovation !